L’éternité de la vie
Le bouddhisme enseigne qu’au-delà de la naissance et de la mort qui délimitent notre existence physique, l’essence de notre vie perdure éternellement. Dans cette conception, la vie et la mort ne s’opposent pas. Elles sont les deux phases alternées de la vie éternelle, que Nichiren Daishonin a identifiée à la Loi merveilleuse : Myoho-renge-kyo.
Ce principe d’éternité de la vie trouve sa plus haute expression dans le Sûtra du Lotus, qui affirme :"Il n'y a ni flux ni reflux de naissance et de mort, pas plus que d'existence en ce monde et d'entrée ultérieure dans l'extinction." (SdL-XVI, 218.)
L’illumination originelle du Bouddha
Dans le chapitre « Durée de la vie » (16e) du Sûtra du Lotus, le Bouddha Shakyamuni fait la révélation surprenante qu’il a en fait atteint l’illumination dans un passé inconcevablement lointain, appelé gohyaku jintengo, et non pas au cours de sa vie présente :
Depuis que j’ai atteint la bouddhéité, un nombre incalculable de kalpas s’est écoulé, des centaines, des milliers, des dizaines de milliers, des millions et des milliards d’asamkhya. (SdL-XVI, 221.)
Nichiren Daishonin fait le commentaire suivant : « Le sommet de ce chapitre [Durée de la vie] est le principe de l’atteinte de l’illumination dans le très lointain passé. “Très lointain passé” signifie immuable, non créé, dans son état originel. »
Ainsi, ce passé de gohyaku jintengo dans lequel Shakyamuni aurait atteint l'Eveil correspond en fait à « l’état originel » de la vie. Le Sûtra du Lotus introduit donc une conception totalement révolutionnaire de l’atteinte de la bouddhéité : celle-ci ne se produit pas à un « moment » donné du passé ou du futur, mais existe en tant que potentialité inhérente à la vie, accessible à chacun, à chaque instant.
Pour distinguer cette conception implicite de l'interprétation littérale, elle est désignée par le terme de « temps sans commencement », ou kuon ganjo.
Le temps de kuon ganjo
Kuon ganjo représente donc un temps « hors du temps ». Ni passé ni futur, il décrit la réalité essentielle de la vie, qui ne fait qu’une avec l’état de bouddha.
Josei Toda nous en offre la vision suivante : « Quand nous observons notre existence, nous découvrons que dans un passé antérieur à gohyaku jintengo (c’est-à-dire dans kuon ganjo), nous avons vécu totalement libres, dans un monde brillant de pureté et de joie. Nous étions tous remarquables sur le plan spirituel et dans les mêmes dispositions d’esprit. Cependant, nous qui résidions autrefois dans un monde si étincelant, avons émergé maintenant ensemble dans ce monde saha. En regardant en arrière, j’ai l’impression que ce passé dans un monde pur et agréable date seulement d’hier. Comment pourrions-nous bien oublier le monde brillant où nous avons vécu ? Comment pourrions-nous oublier les amis avec qui nous avons passé des vies si joyeuses dans un état de liberté absolue ? Et comment pourrions-nous oublier les vœux que nous avons faits ensemble à l’assemblée où le Sûtra du Lotus fut exposé ? »
L’éternité dans un instant
Le temps est un flux continuel. Le passé est cristallisé dans notre réalité présente ; et le futur, contenant nos projets, rêves et désirs, est déjà en germe dans le présent. Nous n’existons que dans le présent, qui s’écoule de manière insaisissable. Le bouddhisme enseigne que cet instant présent se perpétue ainsi, depuis le passé sans commencement et dans l’avenir sans fin. Il représente le « pivot » du cours éternel de la vie. Et plus nous puisons profondément dans les richesses du passé qu’il contient, plus nous pouvons créer un avenir heureux.
Dans une réflexion sur la nature du temps, Daisaku Ikeda observe : « La raison d’être de tous les êtres humains réside dans la cristallisation et l’utilisation du passé au bénéfice du futur. (…) Nous devons nous souvenir qu’une vision pessimiste, désespérée, résignée de l’avenir risque d’engendrer un futur sombre, alors que l’espoir, la détermination et l’optimisme contribuent, avec l’aide du trésor infini qu’est le passé, à ouvrir un avenir d’une luminosité infinie. »3 Tout dépend donc de notre détermination à faire jaillir notre force de vie originelle – notre vie de kuon ganjo – dans l’instant présent. Tel est précisément le but de la pratique de la récitation de Nam-myoho-renge-kyo, dont Nichiren dit :
Si en un seul moment de vie, nous épuisons les souffrances et les épreuves de millions de kalpa, alors, instant après instant, surgiront en nous les Trois Corps du Bouddha dont nous sommes éternellement dotés. Nam-myoho-renge-kyo est simplement une telle pratique « assidue ». (OTT, 214)
Nous pouvons alors donner une nouvelle et puissante impulsion positive à notre vie. Ce nouvel élan est la manifestation de la bouddhéité. Tel est le grand message d’espoir du bouddhisme de Nichiren, dont la pratique permet de manifester une immense force vitale dans la réalité de notre vie ordinaire.
Accéder à la dimension éternelle de la vie
Cette lutte intérieure pour s’éveiller à la nature essentielle de la vie est au cœur du bouddhisme. En élargissant notre état de vie et en développant notre sagesse, « nous découvrons à l’intérieur de nous un "soi" qui n’est pas affecté par les réalités changeantes de la vie humaine et de la société, et cette découverte nous permet de surmonter notre peur de la mort. Rien n’est plus merveilleux pour un être humain que de parvenir à un tel état de vie. »
La pratique bouddhique nous permet donc de surmonter naturellement la peur et la tristesse liées à la mort, et de nous éveiller au caractère précieux et sacré de la vie. Ce faisant, nous développons des qualités de cœur qui permettent de partager les souffrances des autres comme si c’étaient les nôtres, et nous cultivons un état de vie caractérisé par une grande paix intérieure.